Traverser la vallée de la désillusion en survolant le gouffre cognitif.
Ça vous est déjà arrivé, n’est-ce pas ? Vous avez une tâche à accomplir, et là, l’idée lumineuse: “C’est le moment d’utiliser l’IA”. Évidemment ! L’IA : omnipotente, omnisciente, omniprésente. On ne parle que de ça. Il y a même un gars qui s’en occupe dans la boîte.
Et là, c’est le drame (en trois actes).
Vous ouvrez Chat-GPT et vous commencez à taper vos prompts. Mais, c’est trop généraliste ou carrément à côté de la plaque. Et puis, vous, ce que vous voulez, c’est un powerpoint, ou une vidéo et il vous sort un plan de deck ou un script de reel.
Mais vous n’êtes pas du genre à baisser les bras. Vous dégainez votre moteur de recherche, vous tapez "IA PowerPoint". Et là c’est la surcharge cognitive, la paralysie du choix. Pire que devant le rayon yaourt un samedi après-midi avec les deux gosses qui se chamaillent dans le caddie. Générateur de powerpoint avec des vrais morceaux de Sam Altman élevé en plein air dedans, ou garanti entraîné sur les meilleurs decks des Big 4…
Je l’ai déjà dit, vous n’êtes pas du genre à lâcher facilement. Vous allez voir l’espèce de gourou IA de la boîte, en espérant qu’il soit plus efficace que le gars que vous avez vu au genius bar la dernière fois que votre macbook a fait des siennes. Et là, au mieux, il vous sort un timide "Gamma.app, ça marche pas mal", au pire, un désarmant "T'as essayé de reformuler ta question àChatGPT ?"
Bref, l'IA c'est du vent, ça ne marche pas.
Eh bien, vous y êtes. Bienvenue dans la vallée de la désillusion. Un endroit où l'on croit que l'IA va tout régler en un claquement de doigts. Mais en fait, non.
Nous, les humains, avons une capacité incroyable à décomposer les tâches complexes en étapes plus petites, et ce, de manière presque instinctive. C'est un processus invisible, fondé sur notre expérience, notre intuition, notre compréhension du contexte. Nous le faisons sans même nous en rendre compte.
L'IA, elle, fonctionne de manière radicalement différente. Elle a besoin d'instructions précises, d'une définition claire et détaillée du résultat attendu. C‘est un outil puissant, mais qui ne fonctionne que si l'on suit un mode d'emploi très précis. Quand on n’a qu’un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous. Avec l’IA, on a un couteau suisse, encore faut-il savoir s’en servir.
Il faut bien comprendre une chose : les modèles d'IA générative sont des outils sophistiqués, certes, mais ils ne sont que cela. Ils excellent dans la reconnaissance de motifs et la génération de contenu à partir des données sur lesquelles ils ont été entraînés. Ils ne possèdent ni notre intelligence émotionnelle, ni notre créativité, ni notre capacité d'adaptation, ni notre bon sens.
C’est là que réside le gouffre :
Humains: Résolution de problèmes intuitive, sensible au contexte, créative, émotionnelle, adaptable.
IA : Résolution de problèmes basée sur des règles, nécessitant des étapes explicites, rapide, évolutive, cohérente, capable de traiter de grandes quantités de données
Alors, comment on le franchit, ce gouffre ?
C’est le moment de ressortir un des plus vieux outils de notre trousse de consultant, celui que les BA connaissent le mieux : l’analyse fonctionnelle.
Rapidement, l’analyse fonctionnelle, c’est une méthode de décomposition de systèmes ou de processus complexes en composants ou tâches unitaires afin de comprendre leurs fonctions individuelles et comment elles contribuent à l’objectif global. Il s’agit donc de décomposer une grosse boîte noire incompréhensible en petites unités faciles à comprendre. Bref, c’est observer un tas de vis et de planches pour écrire la notice de montage du meuble “Nørdströmviken”.
Comme nous sommes là pour parler IA et pas bricolage, qu’est-ce que ça apporte l’analyse fonctionnelle ?
Sans analyse fonctionnelle, vous donnez à l'IA une instruction vague : "Crée moi une propale pour la refonte du support applicatif de General Energetics™". Résultat ? Un truc générique et sans intérêt.
Avec l’analyse fonctionnelle, chaque sous-fonction identifiée devient potentiellement une étape du processus du travail avec l’IA.
En plus, la décomposition des tâches peut être itérative. Lors de vos premiers échanges avec l’IA vous vous rendrez peut-être compte, en fonction des résultats, que certaines étapes de votre réflexion auraient dû être approfondies.
Mais être un as de l’analyse fonctionnelle ne vous épargnera pas de faire un tour par la case “pratique”. Il faudra apprendre à trouver le niveau de détail approprié (qui en plus est différent en fonction du modèle utilisé). Avec une granularité trop faible, vous resterez dans le vague, avec une granularité trop forte, l’IA va se perdre dans des détails sans intérêts. La clé est de trouver un équilibre qui corresponde aux capacités de l'IA et à la complexité de la tâche. La combinaison de l'analyse fonctionnelle et d'une approche structurée pour guider l'IA crée une puissante synergie pour une utilisation efficace de l'IA générative. En utilisant l'approche structurée de l'analyse fonctionnelle pour d'abord comprendre et décomposer leurs propres tâches, les utilisateurs peuvent ensuite traduire ces étapes décomposées en instructions explicites pour l'IA. Cela garantit que l'IA reçoit des conseils clairs et logiques, reflétant la manière dont les humains pourraient aborder le problème eux-mêmes.
En résumé :
L’IA n’a pas besoin d’être parfaite, juste de vous aider à gagner en efficacité.
Si vous voulez faire un seul prompt pour répondre à votre besoin, trouver un remède contre le cancer et faire le café, effectivement, l’IA aura du mal à vous satisfaire.
Alors, quel est le bilan de tout ça ?
Aujourd'hui, tout le monde se focalise sur les cas d'utilisation concrets de l'IA générative. C’est une approche valable, il y a indéniablement du ROI là-dedans. Cependant, cette approche risque de nous faire passer à côté du véritable potentiel disruptif de l'IA.
L'IA générative n'est pas juste un outil pour faire plus vite ou moins cher. C'est un assistant à la décision, un partenaire de réflexion, un amplificateur de l'intelligence humaine. Se focaliser sur les cas d’usage, c’est se contenter de faire comme on a toujours fait, sans profiter de la puissance de l’IA générative. Mais pour libérer cette puissance, il faut changer de paradigme. Il faut arrêter de la voir comme un simple exécutant et commencer à la considérer comme un collaborateur.
Et surtout, il faut comprendre que l'IA générative n'est pas la solution à tous les problèmes. D'autres branches de l'IA, comme le Machine Learning, ou bien la Data Science, sont souvent plus pertinentes et plus efficaces. Il ne faut pas hésiter à utiliser le bon outil pour le bon usage, au risque de tomber dans l'écueil du "quand on n'a qu'un marteau…".
En fait, la vision actuelle de l'IA générative ressemble plus à un passage à gué qu'à un véritable pont. On jette quelques pierres au milieu de la rivière, en espérant pouvoir traverser sans se mouiller les pieds. Mais pour vraiment exploiter le potentiel de l'IA et s’en servir pour innover constamment, il faut se donner les moyens intellectuels de l’utiliser comme une structure solide sur laquelle nous bâtirons les futures innovations.
C'est pourquoi, en tant que consultants, notre rôle n'est pas seulement de maîtriser les outils, mais surtout de maîtriser la méthode. En nous concentrant sur une approche structurée, nous pouvons tirer le meilleur de l'IA générative dans toutes les situations, et enfin traverser le pont de la rivière (kw)AI.