Repositionner les métriques IT au service de la stratégie Métier

Maturité IT : production de KPIs IT et suivi des coûts de la DSI

MATURITÉ IT
EXCLUSIF
Par
Fabien Dussaucy
le
22/7/2024
Maturité IT épisode 3 : reporting, production de KPI et suivi des coûts

Cet article est le 3e d’une série de 3 articles sur le pilotage IT.

Rappel:

Il y a quelques mois, nous avons lancé un questionnaire auprès de nos CIOs pour les aider à identifier les forces et faiblesses de leurs fonctions de pilotage de portefeuille et des budgets.

Avec plus de 40 répondants de tous horizons, il est temps de prendre un pas de recul pour analyser les résultats et évaluer la maturité du marché. 

Après la priorisation des demandes par la valeur et la construction du budget et le pilotage des projets et de la capacité, il est temps d’analyser le suivi des coûts et le reporting des métriques de pilotage.

Le reporting et la production de KPI

Seulement 35% des entreprises réussissent à produire automatiquement des métriques de pilotage pour leurs instances de chaîne/stream

Obtenir des métriques fiables est l’un des pré requis majeurs pour permettre un pilotage efficace. C’est la condition nécessaire pour initier une boucle de rétroaction, comprendre et réorienter les efforts des équipes.

92% des répondants affirment posséder des métriques de pilotage, c’est donc bien un élément largement répandu aujourd’hui dans les organisations.

Le premier élément discriminant apparaît lorsqu’on regarde comment les métriques sont calculées. Chez les entreprises les moins matures, chaque responsable de projets et chaque manager doit construire et consolider les indicateurs financiers et d’avancement sur ses activités. Dans ces organisations, on compte ainsi généralement de très nombreux PMO pour mener à bien ces activités et laisser les managers sur des activités à plus haute valeur ajoutée. 

En prenant un peu de recul, on peut cependant questionner ce type d’organisation. Pourquoi engager des dizaines (et parfois centaines!) de PMO alors qu’ils effectuent quasiment tous les mêmes manipulations entre les données de budget et de ressources?

C’est le constat auquel sont arrivées 66% des entreprises du panel : investir dans un outillage et des processus de qualité permet de centraliser la production de reporting et libérer du temps aux équipes. Le chef de projet passe d’une posture “d’agrégateur/fournisseur de données” à une posture de “consommateur” et peut ainsi concentrer son énergie sur le pilotage de son projet. Cette industrialisation permet également d’améliorer la qualité des données en réduisant le nombre de manipulations pour les produire. Centraliser le processus de reporting force aussi à standardiser les métriques, à les définir précisément et partager les règles de calcul pour les rendre auditables. Toute l’organisation y gagne ainsi rapidement en transparence.

Une fois toutes les données financières consolidées automatiquement sur chacun des projets, l’étape suivante est d’être capable de les restituer sur des axes alignés avec la gouvernance. 40% des entreprises de notre panel ont fait cet effort, et ce sont généralement les mêmes que celles qui ont déployé une gouvernance de chaîne (cf le premier volet de cette enquête). 

Elles bénéficient ainsi d’une gouvernance de chaîne qui traverse l’ensemble des couches applicatives, ainsi que des dashboards de pilotage automatisés qui regroupent les métriques de chacun des périmètres applicatifs.

La dernière étape est ainsi de déployer ces dashboards à l’ensemble des sponsors IT et Métier pour leur permettre d’obtenir automatiquement et facilement l’ensemble des indicateurs nécessaires à leur pilotage. Cette étape est la dernière d’un long chemin, où les métriques de pilotage deviennent réellement des aides à ceux qui pilotent l’organisation, les sponsors. Elle nécessite cependant d’ajuster à nouveau chacune des métriques pour qu'elles deviennent suffisamment claires, précises et auditables pour les afficher au métier.

Seuls 12% de nos répondants ont atteint ce niveau. Nous espérons vivement que les prochaines éditions permettront de constater une amélioration sur cette métrique, qui caractérise à notre sens les entreprises les plus matures.

Le suivi des coûts

65% des entreprises réussissent à suivre leurs couts par équipe, projet et application pour gagner en visibilité sur leurs activités

Dans les grands groupes, la dépense IT peut facilement atteindre plusieurs centaines de millions d’euros, voire quelques milliards d’euros de dépense annuelle. Donner de la visibilité sur l’utilisation de ces immenses sommes est donc indispensable pour les décideurs et actionnaires. Et pour les groupes plus petits, c’est aussi un outil très efficace pour comprendre et ajuster les activités.

Malgré l’utilité de ce processus, 13% des entreprises du panel ne calculent et ne suivent pas leurs coûts IT. C’est pourtant une étape qui nous semble indispensable au bon fonctionnement de l’organisation et pour sécuriser l’équilibre budgétaire de l’entreprise.

Faisant partie d’entités juridiques soumises à une fiscalité, les organisations IT doivent a minima consolider leurs coûts dans des outils de comptabilité générale pour la validation des comptes. Savoir détourer parmi ces postes comptables les dépenses liées à l’IT permet d’obtenir un premier niveau d’information. 25% des entreprises déclarent se situer à ce niveau de maturité.

Pour aller plus loin, il est nécessaire de déployer des outils et des référentiels pour capter les coûts de manière beaucoup plus granulaire, indépendamment de leur nature comptable et des processus de facturation. 66% des entreprises ont atteint a minima ce niveau de maturité. Elles sont ainsi capables de suivre des coûts IT sur des axes pertinents pour l’IT.

Pour suivre le détail de comment sont alloués les coûts des moyens humains, le système le plus simple est de demander à l’ensemble des ressources de déclarer leur temps à la fin de chaque mois. En valorisant ces jours avec les salaires, les frais d’équipement, et potentiellement les différents frais transverses, il est ainsi possible d’obtenir une vision financière des activités IT.

Vous souhaitez obtenir une vision sur les coûts par projet? Ajoutez l’axe projet dans votre suivi des temps. Par étape de projet/activité? Ajoutez de la maille étape/activité dans votre suivi des temps. Et les coûts par application? Ajoutez la maille applicative dans votre suivi des temps.

Bien sûr, cette logique rencontre rapidement une limite, une équipe ne peut pas répartir ses temps de manière fiable lorsqu’elle doit choisir parmi une centaine de lignes de “timetracking” différentes en fin de mois. 3 solutions complémentaires sont alors possibles: adapter la granularité, renoncer à des axes, estimer des découpages via d’autres méthodes (avis d’expert, nombre de tickets de support…)

Le niveau de maturité suivant consiste à passer des axes IT à des axes métiers. 26% des répondants expliquent réussir à fournir des métriques de coûts IT sur des axes métiers.

Concrètement, cela signifie être capable de donner des coûts IT par produit ou par étape de processus métier.

Si l’on prend l’exemple de la création et de la validation d’un contrat de crédit bancaire, une telle entreprise serait capable de dire que de bout en bout, un crédit nécessite 300€ de ressource informatique, ou que chaque signature électronique coûte 30€. 

Avec ces informations, il est ensuite beaucoup plus simple pour le métier de comparer ces coûts et de prendre les décisions de pilotage qu’il convient, en travaillant sur le flux pour réduire les coûts unitaires, ou en externalisant une partie du processus sur des solutions concurrentes plus pertinentes.

Le dernier niveau de maturité n’est atteint que par 7% des entreprises du panel, il correspond ainsi à des pratiques assez rares sur le marché. Les entreprises à ce niveau de maturité sont sorties des logiques de timetracking des ressources. Plutôt que de demander en fin de période à leurs équipes ce qu’elles ont fait, ces entreprises analysent directement l’évolution des backlog des équipes, et le temps passé sur chaque ticket. Elles reconstruisent ensuite les activités des équipes en valorisant ces tickets. Ce mode de fonctionnement simplifie grandement la vie des équipes, car il supprime toute action de reporting supplémentaire.

Dans les faits, il serait intéressant de zoomer sur la qualité des données générées, car ces pratiques nécessitent un très haut niveau de maturité de gestion des tickets au sein des backlogs des équipes.

En conclusion, l'analyse de la maturité IT des organisations révèle des écarts significatifs dans leurs pratiques de pilotage. Tandis que certaines entreprises ont systématisé la priorisation par la valeur et optimisé la gestion budgétaire, d'autres peinent encore à établir des processus efficaces. 

Cependant, des tendances émergent, telles que l'adoption croissante de la business value et la transition vers une gouvernance de chaîne, indiquant une évolution vers une gestion plus intégrée et agile. Les organisations les plus avancées démontrent l'importance de l'outillage et de la standardisation pour améliorer la transparence et l'efficacité. 

Quelque soit les pratiques de pilotage, le chemin vers une maturité IT optimale reste parsemé de défis, nécessitant une adaptation continue aux nouvelles exigences du marché.

Et comme de nombreux CIO et COO nous l'expliquent, avoir des processus de pilotage matures est une condition nécessaire mais non suffisante au succès global de l’entreprise.

Maturité IT épisode 3 : reporting, production de KPI et suivi des coûts

Fabien Dussaucy

Expert du pilotage de portefeuille Projets IT à large échelle.

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