Maturité IT : pilotage du portefeuille projet, de la capacité et des ressources humaines.
Cet article est le 2e d’une série de 3 articles sur le pilotage IT.
Rappel:
Il y a quelques mois, nous avons lancé un questionnaire auprès de nos CIOs pour les aider à identifier les forces et faiblesses de leurs fonctions de pilotage de portefeuille et des budgets. Avec plus de 40 répondants de tous horizons, il est temps de prendre un pas de recul pour analyser les résultats et évaluer la maturité du marché.
Après la priorisation des demandes par la valeur et la construction du budget, il est temps d’attaquer le pilotage du portefeuille de projets et de la capacité des équipes.
33% des entreprises demandent toujours une reporting détaillé sur l’ensemble de leurs projets, indépendamment de leur importance/taille.
L’objectif du pilotage de portefeuille projet est triple:
Le pré requis du pilotage de portefeuille projet est de définir un cadre dans lequel regrouper et suivre l’ensemble des projets. Seuls 3% des entreprises de notre panel n'ont pas encore réussi à dépasser ce stade, c’est ainsi une pratique très largement répandue au sein de notre panel.
Une fois ce cadre posé, l’étape suivante est de standardiser et systématiser le suivi. Si chaque projet remonte des indicateurs différents, il est en effet très difficile de les suivre et de les comparer pour potentiellement les arbitrer. 19% des entreprises sont actuellement face à ces difficultés qui pénalisent grandement leurs capacités de pilotage. La majorité des entreprises ont aussi dépassé ce 2ème palier.
Pour les autres entreprises, la difficulté suivante est de limiter l’énergie mobilisée pour permettre ce pilotage. On pense alors aux très nombreux Chefs de projets, PMO et PPM mobilisés au sein de l’organisation pour piloter ses activités.
Prenons l’analogie d’une voiture pour illustrer ce concept. Si les équipements tels que le compteur de vitesse, le compte tour, et autres capteurs consomment autant d'énergie que celle nécessaire à avancer, on peut questionner l’efficacité du véhicule. De même, obtenir en temps réel le niveau d’eau pour les essuis-glaces n’a que peu d'intérêt pour le conducteur. Une simple alerte en cas de problème suffit.
Malgré ce constat qui semble plutôt évident, 33% des répondants déclarent toujours demander un reporting détaillé à l’ensemble des projets de leur portefeuille de projets.
Les organisations les plus matures concentrent ainsi leur suivi sur les projets jugés les plus critiques. Les autres activités sont suivies localement directement par les sponsors métiers et IT. Ce sont potentiellement des milliers de jours hommes de PMO et PPM qui sont ainsi économisés grâce à cette délégation.
Ces transformations doivent être effectuées progressivement pour ne pas perdre les bénéfices de la standardisation du suivi, et retomber dans l’anarchie des entreprises peu matures. Mais concentrer l’énergie de pilotage sur les problématiques et projets importants est une étape indispensable pour réduire les coûts de pilotage et gagner en efficacité.
La continuité logique de cette décentralisation est de basculer vers une organisation où les sponsors métiers et IT pilotent eux-mêmes leurs propres initiatives. C’est la dernière étape où se situent 9% des entreprises consultées. A cette étape, le CIO Office et instances centrales changent de rôle, ils ont maintenant pour mandat de fournir les outils et processus pour faciliter le pilotage des sponsors, et ne plus piloter eux mêmes. Ils reprennent leur rôle de fonction “support”, au service de leurs IT et des métiers.
Cette transition ne se fait cependant pas sans difficulté, les DSI centraux ont la sensation d’être destitués de leurs responsabilités, car les projets et programmes avancent maintenant sans leur supervision. Cette manière de travailler questionne aussi les liens hiérarchiques au sein de l’IT. Comment continuer à justifier une subordination des DSI locaux au DSI central alors que le pilotage des activités est à la main des métiers?
A la moindre difficulté rencontrée, le CIO central a ainsi tendance à faire machine arrière et revenir vers un pilotage PPM plus centralisé pour regagner la main sur les activités. Une évolution progressive et coordonnée des responsabilités du CIO central face aux métiers est ainsi nécessaire pour atteindre durablement le niveau le plus élevé en termes de pilotage de portefeuille projets. Il ne doit plus être le garant de ce que les équipes font, mais plutôt des pratiques et du comment elles le font. Il est ainsi souvent nécessaire de faire évoluer le cadre culturel des organisations pour les accompagner à ce dernier niveau de maturité.
36% des répondants affirment avoir mis en place un suivi du staff plan, afin de suivre la charge de travail prévisionnel de leurs ressources
Au-delà des technologies et des applications, une DSI est aussi un ensemble d’hommes et de femmes avec des compétences. Pour ces plusieurs centaines voire plusieurs milliers de personnes, la gestion des ressources humaines et l’optimisation de leur capacité de travail deviennent des enjeux cruciaux.
92% des entreprises déclarent ainsi posséder un outil permettant d’obtenir a minima la liste des ressources avec leurs caractéristiques: localisation, expertise, séniorité… Elles peuvent ainsi obtenir une photo relativement fiable de leurs effectifs actuels. De même que pour la gestion de projet, savoir identifier ses ressources est une étape indispensable pour pouvoir optimiser leur gestion.
A partir de ce constat, l’étape suivante est naturellement de construire une cible pour l’organisation de demain. 61% des entreprises ont atteint ce niveau. Elles ont pris conscience qu’elles peuvent et doivent repenser la composition de leurs effectifs en termes de localisation, d’expertise, de séniorité pour mieux répondre à leurs problématiques. Elles construisent alors un “Strategic Workforce Plan”, qui décrit la composition de leurs effectifs à un horizon de quelques années. “Junioriser” ou “offshorer” sont ainsi souvent des solutions retenues pour réduire les coûts de certaines activités.
Un autre enjeu important de la gestion des ressources est d’être capable d’anticiper les besoins et les allocations d’activités. Par exemple, un projet doit démarrer dans 1 mois, avec des expertises spécifiques. Est ce que les ressources nécessaires seront bien disponibles? Est ce qu’au contraire, cette expertise spécifique nécessaire au projet va créer un goulet d’étranglement qui ralentira son bon déroulement?
De leurs côtés, les CIO ont souvent besoin d’identifier la liste des activités qu’une équipe va mener dans les périodes à venir pour comprendre l’impact d’une réduction d’effectif. Quels impacts projets sont à prévoir, quelles repriorisations seront nécessaires si on déplace 5 personnes de cette équipe vers telle autre équipe? 36% des entreprises ont mis en place des outils et des processus tels que l’introduction d’un staff plan et la planification des activités permet de répondre à ces questions.
Bien sûr, cela demande une rigueur et une charge de travail importante pour s’assurer que l’ensemble des équipes ont bien renseigné leurs prévisions d’activité. Et on pourrait objecter que définir 3 ou 6 mois à l’avance quelles sont les activités d’une équipe et d’un individu vient drastiquement impacter l’agilité de l’organisation.
Les entreprises plus agiles adoptent ainsi une approche complètement différente pour répondre à ces problématiques de prévision et d’anticipation. Les backlogs et les instances de priorisation globale remplacent la planification. Lorsqu’une équipe ou un département change de taille, sa capacité à faire est affectée. Lors des sprints suivants, elle continuera par construction à travailler sur les fonctionnalités les plus prioritaires. Il n’est ainsi plus nécessaire de planifier chacune des activités en détail.
Une fois ces problématiques de capacité à court et moyen terme résolues, les entreprises les plus matures se concentrent sur comment construire leur organisation à plus long terme, en collaboration avec les équipes RH. Il est en effet assez fréquent de voir des équipes où les Analystes, Tech Lead et experts techniques sont tous des externes, et parfois même tous de la même société. Les prestataires se retrouvent de facto en position de force et créent une dépendance critique pour l’organisation IT.
Identifier clairement les activités cœurs de l’IT peut amener à renforcer la proportion d’internes pour sécuriser les compétences. Ces entreprises les plus matures seront donc amenées à construire des plans de carrière individualisés pour leurs profils clés afin de s’assurer que les expertises coeurs restent bien à leur main, à court, moyen et long terme.
Si vous ne deviez retenir qu'une chose de cet article, c'est qu'en terme de gestion de portefeuille et de la capacité, les solutions les plus simples sont souvent les plus efficaces. Vouloir anticiper et planifier précisément ses projets et sa capacité revient souvent à monter une usine à gaz lorsqu'un effort équivalent n'est pas mené pour standardiser et décentraliser le suivi.
Nous vous rappelons que sur la partie 1 sur la priorisation et la gestion budgétaire est disponible ici et nous vous donnons rendez-vous pour la partie 3 dans quelques semaines. Pour ne rien rater, suivez-nous sur Linkedin !